vendredi 22 juillet 2011

Droit à l’assistance par un avocat : ce n’est qu’un début, continuons le combat contentieux

(Cour EDH, 3e Sect. 19 juillet 2011, Rupa c. Roumanie n° 2)

Implications contentieuses du droit à l’assistance effective par un avocat et incertitudes sur le degré des exigences strasbourgeoises
par Nicolas Hervieu


Dans une affaire née de l’arrestation mouvementée d’un homme par la police roumaine, les carences alléguées dans l’effectivité de l’assistance par un avocat (« manque de continuité dans [l]a défense par les avocats commis d’office » ; « désignation de ces avocats le jour même de l’acte processuel » ; déclaration faîte par l’accusé pendant l’instruction « sans la présence d’un avocat » ; prétendue passivité de « l’avocat commis d’office » qui n’aurait « pas fourni une défense réelle devant le procureur » § 72) n’ont pas été jugées suffisamment graves ou établies pour emporter la violation du droit à un procès équitable (Art. 6). La Cour européenne des droits de l’homme estime en particulier que la déclaration faîte sans la présence d’un avocat n’était qu’ « un épisode isolé, et qu’à aucun moment les autorités n’ont essayé de restreindre le droit du requérant de se faire assister par un avocat » (§ 76). Ceci, d’autant plus que « ce sont [l]es déclarations [] faites en présence du conseil du requérant [] que les tribunaux ont utilisé pour fonder leur décisions, et non pas la déclaration qu’il avait faite sans représentant » (§ 77). Par ailleurs, poursuivant une approche souple car fondée sur une lecture « globale[… de] la procédure » (§ 83), la Cour estime que « la présence [ultérieure] devant les juridictions des défenseurs qu[e le requérant] avait choisi [] a pu remédier » aux « difficultés éventuelles liées à sa représentation devant le parquet »i.e. lors de l’interrogatoire initial par le procureur (§ 82). Le fait que l’intéressé ait « maintenu ses déclarations tout au long de la procédure et qu’il ne [se soit] pas plaint de l’ineffectivité de sa défense d’office » (§ 82) conforte la conclusion strasbourgeoise selon laquelle, en l’espèce, « les autorités ont pris des mesures adéquates pour garantir au requérant une défense et une représentation effectives » (§ 83). Par ailleurs, la Cour rejette les griefs formulés au titre de l’article 3 en son volet matériel (interdiction d’infliger des actes de torture et des traitements inhumains ou dégradants – § 45-49) ainsi que ceux relatifs à l’article 13 (droit à un recours effectif – § 57-64). La Roumanie est toutefois condamnée pour violation du même article 3 mais seulement en son volet procédural (obligation d’enquête effective sur les allégations de torture et de traitements inhumains ou dégradants).
A l’évidence, la solution adoptée sur le terrain de ces articles 3 et 13 n’a guère suscité de débats au sein du Palais des Droits de l’Homme puisqu’elle a été acquise à l’unanimité des juges. Mais il en a été tout autrement au sujet du droit à un procès équitable et, spécifiquement, du droit à l’assistance effective par un avocat (Art. 6 § 1 et 3 c)). C’est en effet à une infime majorité (quatre voix contre trois) que la Cour a décidé de ne pas condamner la Roumanie à ce propos. Dans leur opinion dissidente commune, les juges Gyulumyan, Ziemele et Poalelungi ont révélé la teneur du désaccord européen : ils ont plaidé en faveur d’une vision bien plus rigoureuse et exigeante du droit à l’assistance effective d’un avocat. A leurs yeux, le seul fait qu’« à une reprise au moins, durant [la] phase [de l’instruction et donc au tout début des poursuites pénales], le requérant a[it] fait une déclaration sans la présence d’un avocat » était « susceptible de compromettre sérieusement l’équité de la procédure pénale tout entière » (§ 2). De plus, prenant le contrepied de la solution de la majorité, ils estiment que la « présence [d’avocats] aux côtés du requérant, devant les juridictions, n’a pu remédier aux lacunes quant à sa représentation devant le parquet » (§ 3) car le « caractère discontinu de la défense et [] l’absence de temps pour ces avocats pour préparer l’affaire » (§ 4) ont empêché ces derniers « de se familiariser avec le dossier du requérant [et] de s’entretenir avec lui » (§ 4). Partant, les juges minoritaires considèrent que « les autorités [roumaines] n’ont pas pris de mesures pour garantir au requérant une défense et une représentation effectives, et ont ainsi manqué à leur obligation de réagir pour garantir l’effectivité de sa représentation » (§ 6).
A supposer qu’il ait été possible d’en douter un seul instant, cet arrêt apporte une éclatante confirmation : le contentieux du droit à l’assistance par un avocat est bien loin d’être un chapitre clos à Strasbourg. Même dans l’hypothèse où la présente affaire ne ferait pas l’objet d’un renvoi en Grande Chambre (Art. 43), gageons que la Cour européenne des droits de l’homme ne manquera pas d’autres occasions pour clarifier et affiner sa position (v. ainsi en France où la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue est déjà menacée par les exigences conventionnelles – voire constitutionnelles –, en particulier sous l’angle de l’accès au dossier par l’avocat).

jeudi 21 juillet 2011

Loi de 1905 : interprétations jurisprudentielles libérales et pragmatiques de la laïcité

 (CE, Ass. 19 juillet 2011, Commune de Trélazé et a.) 

Test jurisprudentiel de résistance de la loi de 1905 à l’épreuve du temps et de l’intérêt public local

Par Serge Slama

Cent six années de bons et loyaux services et toujours vaillante. Autrement dit par le Vice-président du Conseil d’État : « Ni obsolescence, ni inadaptation : la loi de 1905 reste pleinement opérante ! ». C’est en ces mots que Jean-Marc Sauvé a présenté à la presse, le 19 juillet 2011, les cinq arrêts de la plus haute formation de jugement du Conseil d’État qu’il préside (D. Albertini, « Le Conseil d'État dépoussière la loi de 1905 », Libération, 19/07/2011).  Les cinq cas d’espèce portés en Assemblée sont variés mais toutes ces affaires ont en commun de poser des difficultés d’interprétation de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État particulièrement s’agissant de l’intervention des collectivités locales dans ce domaine et le financement indirect des cultes ou des édifices cultuels. Et pour chaque cas l’Assemblée fait une application ouverte et pragmatique de la laïcité, réalisant la conciliation entre « l’intérêt public local » et les principes régissant la loi de séparation.

samedi 16 juillet 2011

47 et 48èmes suicides ou morts suspectes connu(e) en détention en 2011



Le nombre de suicides ou de morts suspectes en prison ne diminue pas.
Un suicide ou mort suspecte tous les trois jours en prison,
10 fois plus qu’en milieu libre.




Manquement grave de l’administration pénitentiaire. L’omerta  [1] continue sur la réalité des chiffres quant aux conditions et lieu réel du décès.
Maison d’arrêt de Perpignan
Suicide d’un homme, 72 ans, par pendaison en détention provisoire
le 13 juillet 2011
Maison d’arrêt de Perpignan
Suicide d’un homme, 72 ans, par pendaison en détention provisoire
le 13 juillet 2011
Nous exigeons, les familles et proches exigent la vérité de la part de l’administration pénitentiaire et des autorités judiciaires afin que toute la lumière soit faite sur ces nouveaux décès.
Les familles et proches souhaitent une vraie prise en compte de leurs souffrances et une aide directe de la part de l’administration pénitentiaire.
Les autorités judiciaires doivent assumer toutes leurs responsabilités sur ces nouveaux décès.
47 suicides et morts suspectes connus depuis le 1er janvier 2011
Nous savons que ces chiffres ne reflètent pas la réalité. La création de l’Observatoire des suicides et des morts suspectes sur le site prison.eu.org a permis d’interpeller l’opinion publique.
www.prison.eu.org/spip.php?page=rubrique&id_rubrique=68

« L’ensemble des études pointent comme des périodes de particulière vulnérabilité, outre l’entrée en détention, certains moments particuliers :
la période correspondant au jugement ;
le placement au quartier disciplinaire ;
la période postérieure à une tentative de suicide ou à une automutilation. ».

Circulaire du 26 avril 2002 NOR JUSE0240075C sur la Prévention des suicides dans les établissements pénitentiaires.

« Le droit à la vie : il est nécessaire de montrer que l’administration pénitentiaire doit tenir compte de cette obligation dans la mise en place de certaines procédures (quartier disciplinaire, isolement...). ».
Conclusion du 20 octobre 2003 du Rapport de la CNCDH sur les droits de l’homme en prison.

Contact Presse :
Milko Paris, tél. 06 60 17 33 42
mail. redaction@banpublic.org

vendredi 8 juillet 2011

Petite chronique de la justice ordinaire

Vamara Kamagaté est décédé cette nuit de mort "naturelle" Il était ivoirien, SDF. Il avait 49 ans.
Il était aussi un homme devant lequel la justice s'était inclinée.
En septembre 2010, un tribunal avait reconnu que Vamara Kamagaté avait été condamné à tort pour l'agression sexuelle d'une jeune femme. Que la victime, c'était lui. Pas elle, la petite amie d'un policier qui trouvait que l'on ne s'occupait pas assez d'elle et qui a reconnu plus tard avoir tout inventé. 
Une fois de plus, c'est à la vigilance d'Eolas que l'on doit d'avoir eu connaissance de cette histoire et d'avoir pu suivre l'audience au cours de laquelle, il y a tout juste  neuf mois, Vamara Kamagate avait été définitivement relaxé.
Je reproduis ici le compte-rendu de cette audience publié dans Le Monde.
Le délibéré a duré cinq petites minutes. « Le tribunal vous relaxe, M.Kamagate », annonce le président Marc Bourragué. Vamara Kamagate reste figé à la barre. «Vous pouvez partir», ajoute doucement le président. Il est vingt-deux heures, lundi 6 septembre, et la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris vient de reconnaître que l’homme qui lui fait face, les bras ballants, noyé dans une veste de costume trop large pour lui, a été officiellement victime d’une erreur judiciaire.
« C’est un dossier un peu particulier…», avait prévenu le président en se saisissant de la dernière affaire de la journée. Deux ans et demi plus tôt, le 8 mars 2008, à l’étage situé juste en dessous de cette salle d’audience, Vamara Kamagate a été jugé en comparution immédiate et reconnu coupable d’agression sexuelle, violences et injures publiques.
Condamné à dix-huit mois ferme ainsi qu’à une interdiction du territoire français de trois ans, il avait été immédiatement incarcéré.La jeune femme, A.G.,qui l’accusait, absente de l’audience mais représentée par un avocat, avait reçu, à titre de provision pour son préjudice, 3000 euros.
A.G. avait 20 ans, un ami policier, une mère psychiatre et un père cadre supérieur. Un soir de février 2008, elle leur avait confié avoir été agressée boulevard Richard-Lenoir, dans le 11e arrondissement de Paris, par un homme de «50-60 ans », de « type africain», d’une taille «d’environ 1,80m». 
Il l’avait, disait-elle, saisie violemment par le cou, lui avait pincé les seins, avait mis sa main dans sa culotte sous son jean et lui avait frotté le sexe avant de la repousser en l’insultant. A.G.avait répété cela à la policière compatissante qui avait recueilli sa plainte. Deux semaines plus tard, sur photos, puis derrière une glace sans tain, on lui présentait Vamara Kamagate, un SDF africain qui avait été interpellé dans le quartier à l’occasion d’un contrôle d’identité et qui, disaient les policiers, «pouvait correspondre» à son agresseur.
Il ne mesure pas 1,80m mais 1,70m, il n’a pas « entre 50 et 60ans», puisqu’il est âgé de 46 ans et il se contente de répéter dans un français approximatif qu’il n’est pour rien dans cette affaire. Mais un vendeur de moto du quartier affirme que c’est bien le SDF qui traînait souvent dans le coin et insultait les passants quand il était saoul et A.G. «pense le reconnaître » sans être toutefois formelle.
Tout va très vite. On désigne à Vamara Kamagate un avocat commis d’office : comparution, condamnation, détention, pas d’appel, affaire réglée.
«Pourquoi n’avez-vous pas fait appel ?», lui demande le président Marc Bourragué. Vamara Kamagate penche son visage vers le président du tribunal en clignant des yeux et lui fait répéter la question pour être sûr de la comprendre. « Je savais pas qu’on pouvait », répond-il.
Du dossier d’instruction, le président extrait alors une longue lettre que la jeune femme a adressée au procureur de la République en mai 2008, deux mois après la condamnation de Vamara Kamagate et dans laquelle elle dit avoir tout inventé. Elle y expose ses confidences à son ami policier, puis à ses parents, l’écoute immédiate qu’elle reçoit, la compréhension dont on l’entoure. «Tout ce que j’aurais voulu que l’on fasse pour moi des années plus tôt», écrit-elle.
Elle explique encore avoir été victime d’une agression, lorsqu’elle était âgée de 13 ans, par un ami de la famille. A l’époque, ses parents ne lui avaient pas donné le sentiment de prendre la juste mesure de sa souffrance, dit-elle.
Elle raconte la plainte, la présentation des photos au commissariat - « je me sentais obligée de désigner quelqu’un», – la procédure qui s’emballe – «personne n’entendait mes doutes» – puis la prise de conscience violente : « Je venais d’envoyer un pauvre type en prison. Je n’avais jamais pensé que la justice puisse condamner un homme sur mon seul témoignage.»
Alertée ensuite par la famille, Me Françoise Margo prend le dossier en charge. L’affaire remonte à la chancellerie, puisque seule la garde des sceaux – à l’époque Rachida Dati – peut lancer la révision d’une condamnation devenue définitive. Après six mois de détention, Vamara Kamagate est remis en liberté, sans comprendre tout de suite ce qui lui arrive. Le 24juin 2009, la Cour de cassation annule son jugement et le renvoie devant le tribunal correctionnel.
Lundi 6 septembre, Vamara Kamagate a écouté le procureur François Lecat expliquer qu’«il n’y avait,dans cette affaire,aucune raison d’entrer en voie de condamnation». «Ce qui est terrible, au fond, c’est que cette procédure n’a pas été irrégulière. Enquête de routine, jugement de routine.Nous sommes face à une authentique erreur judiciaire. Je demande évidemment la relaxe du prévenu», a-t-il déclaré.
Reconnu définitivement innocent, dans le palais désert à cette heure avancée de la soirée,Vamara Kamagate a juste demandé à son avocate, Me Victoire Boccara, de l’aider à retrouver la porte de sortie."

C'était il y a neuf mois, jour pour jour.

Source : chronique judiciaire, blog Le Monde

mardi 5 juillet 2011

45 et 46ème suicide ou mort suspecte connu(e) en détention en 2011




Le nombre de suicides ou de morts suspectes en prison ne diminue pas.
Un suicide ou mort suspecte tous les trois jours en prison,
10 fois plus qu’en milieu libre.




Manquement grave de l’administration pénitentiaire. L’omerta  [1]]]] continue sur la réalité des chiffres quant aux conditions et lieu réel du décès.
Centre pénitentiaire de Fresnes
Mort suspecte d’un homme, 22 ans, dans l’incendie de sa cellule au quartier des arrivants
le 30 juin 2011

Centre de détention d’Ecrouves
Suicide de Sahmet Yilmaz, 22 ans, par pendaison
le 25 juin 2011
Nous exigeons, les familles et proches exigent la vérité de la part de l’administration pénitentiaire et des autorités judiciaires afin que toute la lumière soit faite sur ces nouveaux décès.
Les familles et proches souhaitent une vraie prise en compte de leurs souffrances et une aide directe de la part de l’administration pénitentiaire.
Les autorités judiciaires doivent assumer toutes leurs responsabilités sur ces nouveaux décès.
46 suicides et morts suspectes connus depuis le 1er janvier 2011Nous savons que ces chiffres ne reflètent pas la réalité. La création de l’Observatoire des suicides et des morts suspectes sur le site prison.eu.org a permis d’interpeller l’opinion publique.

www.prison.eu.org/spip.php?page=rubrique&id_rubrique=68

« L’ensemble des études pointent comme des périodes de particulière vulnérabilité, outre l’entrée en détention, certains moments particuliers :
la période correspondant au jugement ;
le placement au quartier disciplinaire ;
la période postérieure à une tentative de suicide ou à une automutilation
. ».
Circulaire du 26 avril 2002 NOR JUSE0240075C sur la Prévention des suicides dans les établissements pénitentiaires.

« Le droit à la vie : il est nécessaire de montrer que l’administration pénitentiaire doit tenir compte de cette obligation dans la mise en place de certaines procédures (quartier disciplinaire, isolement...). ».
Conclusion du 20 octobre 2003 du Rapport de la CNCDH sur les droits de l’homme en prison.

Contact Presse :
Milko Paris, tél. 06 60 17 33 42
mail. redaction@banpublic.org

samedi 4 avril 2009

Le procès de l'intime conviction

Durant de nombreuses semaines, un procès fleuve a émaillé la presse écrite, radiophonique et télévisuelle. J’aurai pu écrire mon billet sur la curieuse conception de la justice de ce pays, qui maintient en son sein des juridictions d’exceptions, telle cette cour d’assise spéciale, digne héritière de la sinistre Cour de Sûreté de l’Etat, créé en 1963, supprimé en 1982, et remplacé en 1986 par cette cour d’assise très spéciale puisque formée de sept magistrats professionnels. La Fédération Internationale des ligues des droits de l’homme l’a dénoncée  dans un rapport après une enquête réalisée par deux avocats, Mickael Mc Colgan (Grande Bretagne) et Alessandro Attaanasio ( Italie) , entre les mois d’avril et novembre 1998. Ce rapport a été publié en janvier 1999 sous le titre «France , la porte ouverte à l’arbitraire »

On le voit, déjà rien que là, il y aurait de quoi en écrire des pages. Mais mon propos sera tout autre, et vise un particularisme franco-français, hérité cette fois de l’Ancien Régime, et des lettres de cachet, du pouvoir discrétionnaire du Roi : la notion de l’intime conviction.
L’article 353 du code de procédure pénale dit en effet :
 » La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs :  » Avez-vous une intime conviction ? « . »
 Sous son apparence élégante, ce texte fondamental implique qu’il est possible, et même probablement recommandé, de juger sans preuve. Car, autre bizarrerie de la cour d’assise, ordinaire ou spéciale d’ailleurs, les juges n’auront pas à motiver leur décision. C’est-à-dire à la justifier. Voilà tout de même un système bien curieux, ou pour un délit passible de la correctionnelle et d’une peine de prison d’un an, deux ans, trois ans, dix ans au plus, le juge devra motiver sa décison, c’est à dire expliquer comment il est entrer en condamnation, alors qu’en matière criminelle, là où le risque d’enfermement peut atteindre la perpétuité, assortie d’une peine de sûreté incompressible on ne demande rien, que ce soit aux jurés, ou au magistrats professionnel pour expliciter comment ils sont arrivés à la décision qu’ils prononcent.
Ce système sidère les juristes anglo-saxons, qui ne reconnaissent que le système de la preuve. Il éblouie également bon nombre de pays européen qui ne se reconnaissent pas dans ce système archaïque. En France, nous avons eu les plus grands philosophes, au siècle des Lumières, nous avons voulu continuer dans cette voie, en transformant nos procureurs en éminent théoriciens de suppositions farfelues et tirées par les cheveux,  pourvu que celà serve le principe de l’accusation, via l’intime conviction. Et je reconnais de ce point de vue aux procureurs un grand talent oratoire à développper des suppositions, des projections, des intentions, à partir de pas grand chose. De Gaston DOMINICI à Patrick DILS, en passant par l’affaire dite du « pull-over rouge », et tant d’autres, le système  a fonctionné à plein… doute parfois, pour Dominici et Ranucci encore aujourd’hui, certitude pour Dils reconnu non coupable au terme de procédures multiples lui ayant gâché de très nombreuses années de sa vie. Il y aurait encore de quoi dire sur l’affaire AGNELET,  d’abord relaxé en 2006 par une première cour d’assise, puis condamné en 2007 à vingt ans en appel, interjeté par le parquet. Comment peut-on, justifier un tel écart ? Récemment, le procès de l’hormone de croissance, en correctionnel, c’est terminé par six relaxe. Le résultat aurait-il été le même par devant une cours d’assise ou toutes les supputations et théories sont possibles à élaborer ? Cette persistance à vouloir maintenir au XXIème siècle, une procédure datant du XIXème siècle où n’existait pas les moyens d’investigations est surprenante. Dans ce pays chantre des Droits de l’Etre Humain, – soit disant – peu importe que l’application de ce principe inique foule aux pieds deux des principes fondamentaux du droit : la présomption d’innocence, et le doute doit bénéficier à l’accusé.

Et j’adhère totalement aux propos du philosophe Michel TERESTCHENKO, que je reproduis ci-dessous :

La justice humaine n’a d’autre fondement que ce qui est su et démontré avec assez d’évidence pour autoriser légitimement la société à priver un homme de sa liberté. La sécurité des citoyens dans un Etat de droit repose sur ce principe essentiel et elle se paye du prix qu’il est, en effet, possible qu’un homme coupable échappe à la justice de ses semblables, tout simplement parce que la preuve de sa culpabilité fait défaut et que le doute doit lui bénéficier. Faute de quoi, il n’est personne qui ne puisse un jour ou l’autre se trouver mis en cause et même conduit en prison. Il s’agit de défendre le droit de chacun d’entre nous à être protégé contre une justice qui n’a pas à rendre raison de ses jugements. Emplacement d’origine de cette citation

Il est temps de se pencher sur cette disposition moyennâgeuse de notre droit pénal, car aujourd’hui on peut toujours juger sans preuve.
Et je préfère pour ma notion de respect des Droits de l’Etre Humain qu’un coupable échappe à la justice plutot qu’un innocent croupisse en prison. C’est le principe d’un Etat de droit échappant à l’arbitraire. Je ne suis pas adepte du flamboyant « tuez les tous, Dieu y reconnaîtra bien les siens« , car je n’oublie jamais que je pourrais bien être inclus dans ce « tous » demain….